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Tout s'accélère

Trente-cinq ans ont passé depuis que, le 20 novembre 1985, Ronald Reagan et Mikhaïl Gorbatchev ont proposé au monde de s'organiser pour maîtriser la fusion de l'hydrogène — l'unique source d'énergie capable de satisfaire, pendant des millénaires, les besoins de l'humanité.

L'acte I de la phase d'assemblage s'est joué les 26 et 27 mai 2020, avec la mise en place d'une pièce aussi lourde que quatre Airbus A380—la base du cryostat. (Click to view larger version...)
L'acte I de la phase d'assemblage s'est joué les 26 et 27 mai 2020, avec la mise en place d'une pièce aussi lourde que quatre Airbus A380—la base du cryostat.
ITER est né de ce formidable défi : construire la machine qui reproduirait, sur Terre, les phénomènes physiques à l'œuvre au cœur du Soleil et les étoiles.

En 2005, les sept membres d'ITER (Chine, Europe, Inde, Japon, Corée, Russie et États-Unis) ont unanimement choisi le site, proposé par l'Europe, où seraient construits cette machine et son infrastructure industrielle — Saint-Paul-lez-Durance/Cadarache (Bouches-du-Rhône), à une quarantaine de kilomètres au nord-est d'Aix-en-Provence.

Cinq ans plus tard, sur une plateforme de 42 hectares, la construction des bâtiments de l'installation était lancée. Parallèlement, les membres d'ITER entreprenaient de fabriquer l'ensemble des pièces de la machine (un « tokamak ») et de ses systèmes auxiliaires.

Cette immense entreprise, qui se déploie sur trois continents et mobilise des milliers de physiciens, d'ingénieurs, de techniciens de toutes spécialités, a connu ces derniers mois une accélération spectaculaire : avec la finalisation des principaux bâtiments et la livraison de quelques-unes des pièces essentielles du tokamak, ITER est désormais entré dans la « phase d'assemblage », l'étape décisive qui prélude à la production du Premier plasma à la fin de l'année 2025.

L'acte I de cette phase nouvelle s'est joué les 26 et 27 mai derniers dans l'immense théâtre du Hall d'assemblage. Sur la scène, une pièce d'acier de 4 mètres de haut et 30 mètres de diamètre, aussi lourde (1 250 tonnes) que quatre Airbus A380.

Fourni par l'Inde, cet élément particulièrement massif (1 250 tonnes) forme la base du cryostat, le thermos géant qui enveloppe la machine. (Click to view larger version...)
Fourni par l'Inde, cet élément particulièrement massif (1 250 tonnes) forme la base du cryostat, le thermos géant qui enveloppe la machine.
Mi-assiette à soupe, mi-vaisseau spatial

Fournie par l'Inde, cette pièce forme la base du cryostat, le thermos géant qui enveloppe la machine et limite les échanges thermiques entre le système magnétique, à température cryogénique (moins 269 °C), et l'environnement extérieur.

Sa forme tient à la fois de l'assiette à soupe et du vaisseau spatial. Au matin du 26 mai, suspendue aux crochets du pont roulant, la base du cryostat semblait vouloir s'élancer vers les étoiles.

Le voyage qu'elle allait entreprendre serait beaucoup plus bref, mais non moins spectaculaire : une centaine de mètres, tout au plus, jusqu'au puits d'assemblage au fond duquel elle serait délicatement déposée.

Du million de composants qui constituent le tokamak ITER, la base du cryostat est de loin le plus lourd. Sa mise en place fut lente et extraordinairement précise et son déplacement régulièrement interrompu pour procéder à toutes sortes de mesures et de vérifications : la trajectoire était-elle conforme ? Les déformations étaient-elles contenues dans les limites prévues? La masse demeurait-t-elle parfaitement équilibrée ?

Au sol, tandis que la pièce s'élevait lentement vers son altitude de croisière (24 mètres), la tension se conjuguait à l'émerveillement. Chacun retenait son souffle quand, à la vitesse d'un mètre par minute, la soucoupe d'acier frôlait les portiques d'assemblage et passait le mur du Bâtiment tokamak.

Etape entre toutes délicate : le passage du cylindre inférieur à la verticale des deux outils de sous-assemblage, à 24 mètres de hauteur. (Click to view larger version...)
Etape entre toutes délicate : le passage du cylindre inférieur à la verticale des deux outils de sous-assemblage, à 24 mètres de hauteur.
Il s'agissait alors de déposer cette énorme masse au fond du cylindre de béton, profond de 30 mètres, au sein duquel la machine doit être progressivement assemblée. La marge de manœuvre était réduite, de l'ordre de 50 centimètres à l'entrée du puits, inférieure à 5 à sa base. Et l'alignement devait être parfait : quelques millimètres de tolérance seulement entre la position prévue par les calculs et les modèles, et la position effective de la pièce sur ses supports. 

« Pas droit à l'erreur »

Avant que la manœuvre ne commence, Bernard Bigot, le directeur général d'ITER Organization, s'était adressé aux responsables de l'opération : « Ce moment restera gravé dans nos mémoires. Ce que vous vous apprêtez à accomplir n'a pas d'équivalent dans l'histoire. Nous n'avons pas droit à l'erreur ... »

Et d'erreur, il n'y eut pas. En début de soirée, le 27 mai, la base était en place. La phase d'assemblage du tokamak ITER pouvait commencer.

Les pièces de la machine, comme l'ensemble des systèmes de l'installation (cryogénie, alimentation électrique, etc.), sont fabriquées par les partenaires du programme et livrées à ITER Organization, qui se charge de leur intégration — c'est le principe de la « fourniture en nature ».

Depuis 2015, les livraisons de ces « charges hautement exceptionnelles » se succèdent. Dans les semaines précédant l'insertion de la base du cryostat dans le puits d'assemblage, la fréquence des arrivages s'est fortement accélérée.

Le succès de l'opération reposait sur la compétence de chacun, quelle que soit sa nationalité ou la couleur de son casque. (Click to view larger version...)
Le succès de l'opération reposait sur la compétence de chacun, quelle que soit sa nationalité ou la couleur de son casque.
Le 17 avril, une première bobine de champ toroïdal (verticale, 17 mètres de haut, 360 tonnes) arrivait d'Italie. Une semaine plus tard, le Japon livrait une bobine similaire. Au total, depuis le printemps, ITER a reçu quatre bobines de ce type sur les 19 requises (18 + une rechange) ; le 23 juin, une bobine de champ poloïdal (annulaire, 10 mètres de diamètre, 440 tonnes), fabriquée en Chine sous contrat européen, passait les portes du site, suivie, le 22 juillet, par le premier des 9 secteurs de chambre à vide (400 tonnes) en provenance de Corée.

Parmi toutes ces pièces, trois sont destinées à former le premier « pré-assemblage » qui doit être réalisé au printemps prochain. Un « pré-assemblage » associe un secteur de chambre à vide à deux bobines de champ toroïdal et une section de bouclier thermique, et pèse près de 1 200 tonnes, le poids d'un gros millier de voitures de taille moyenne...

Tandis que l'été et le début de l'automne étaient rythmés par l'arrivée régulière de ces pièces exceptionnelles, l'activité demeurait intense dans la fosse d'assemblage. Le 31 août, le cylindre inférieur du cryostat, une pièce de même diamètre que la base mais beaucoup plus haute (12 mètres) et sensiblement moins lourde (375 tonnes), était à son tour mis en place.

Le 28 juillet 2020, le président Macron donnait, virtuellement, le coup d'envoi de la phase d'assemblage, décrivait ITER comme « une promesse de paix. » (Click to view larger version...)
Le 28 juillet 2020, le président Macron donnait, virtuellement, le coup d'envoi de la phase d'assemblage, décrivait ITER comme « une promesse de paix. »
« Une promesse de paix »

Similaire dans son déroulement, cette deuxième opération était encore plus délicate que la première. Alors que la base est un objet massif, plein et donc presque parfaitement rigide, le cylindre inférieur est une pièce « ajourée », percée de multiples ouvertures, et donc relativement « flexible ». En outre, contrairement à la base, la présence de renforcements d'un seul côté de la pièce déséquilibre sa masse. L'insertion du cylindre inférieur a donc nécessité des réglages extrêmement fins du système de levage ainsi qu'un suivi métrologique particulièrement rigoureux.

Les quelques mois écoulés compteront sans doute parmi les plus mémorables de l'histoire du programme. Pour en souligner l'importance, tant symbolique qu'opérationnelle, ITER avait organisé, le 28 juillet, une célébration virtuelle à laquelle les hauts représentants des partenaires du programme, chefs d'État, ministres ou leur représentant, avaient été conviés.

Réunis par écrans interposés dans le Hall d'assemblage, les dignitaires européens, chinois, indiens, japonais, coréens, russes et américains ont, tous, renouvelé leur soutien à ITER et réaffirmé leur confiance dans son succès. Et c'est le président sud-coréen Moon Jae-in qui a peut-être le mieux, et le plus poétiquement, résumé les enjeux de « l'accomplissement majeur » que représente ITER. « Dans le ciel, c'est la fusion qui donne leur éclat aux étoiles. Lorsque nous aurons mis en commun toute la connaissance du monde, nous serons en mesure de créer l'étoile artificielle qui éclairera notre chemin vers l'avenir... »

Au nom du « pays hôte », le président Macron, dans son discours d'accueil à la fois solennel et chaleureux, avait rappelé que le programme ITER est aussi, et peut-être d'abord, « une promesse de paix, [...] un acte de confiance dans l'avenir, la preuve que ce qui rassemble les nations est plus fort que ce qui les divise. »

Patiemment, pièce après pièce —  et il faut en assembler plus d'un million ! — la machine qui recréera le feu des étoiles prend forme. Dans un peu plus de cinq ans, elle sera prête à produire son « premier plasma ». Et dès 2035, fonctionnant à pleine puissance, elle ouvrira la voie à la maîtrise industrielle et à l'exploitation commerciale de l'énergie de fusion.