Luo Delong, Administration
La Chine, comme tous les pays en développement à l'époque, avait besoin de se doter d'élites techniques et administratives. Après quelques années consacrées à son travail de bibliothécaire, Delong a été sélectionné par un programme de développement des Nations Unies dont l'objectif était de former des jeunes gens du monde entier et de les exposer à un environnement international. Au terme de deux années à l'université des Philippines, durant lesquelles il a amélioré sa maîtrise de l'anglais et obtenu une maîtrise en bibliothéconomie, le ministère l'a rappelé— le département de coopération internationale avait besoin de lui.
C'est ainsi qu'a commencé, pour Delong, ce qui allait être l'engagement d'une vie : la promotion et l'organisation de la coopération technique et scientifique entre les nations. De sa toute première affectation, une mission de trois ans comme attaché scientifique à l'ambassade de Chine à Oslo (Norvège), à son poste ministériel de responsable des relations avec les organisations internationales puis à sa nomination à la tête de la contribution chinoise à ITER, il a développé un talent exceptionnel pour motiver, négocier et, en cas de besoin, pacifier.
Bien avant d'être nommé directeur général adjoint d'ITER Organization (Administration), Delong était un familier d'ITER et du monde de la fusion. Dès la fin de l'année 2002, alors que la Chine posait sa candidature pour participer au programme, il a pris part à toutes les négociations et réunions d'experts qui ont précédé la création d'ITER Organization. Après avoir mis en place l'agence domestique chinoise « à partir de rien » en 2006, il a rejoint le comité consultatif pour le management (MAC) d'ITER puis assuré la présidence du Conseil ITER en 2020 et 2021. ITER n'a pas de secrets pour Delong. Il en connaît intimement les points forts et les points faibles ; il a pu mesurer les avantages et les inconvénients de sa structure organisationnelle et il est parfaitement conscient « du caractère crucial de la période actuelle ».
« De nombreuses problématiques restent à traiter », explique-t-il. Le COVID et « le reste » (c'est-à-dire les non-conformités de certains éléments essentiels qui doivent être réparés) ont causé des retards que les gouvernements trouvent parfois difficiles à accepter. « En termes de calendrier, nous avons fait des promesses difficiles à tenir. Nous devons aujourd'hui travailler pour conserver et retrouver la confiance de nos partenaires. »
Pour le nouveau directeur général adjoint (Administration), « ITER est une organisation scientifique et technique qui s'est progressivement muée en une structure de plus en plus bureaucratique. Les dossiers qui s'accumulent, toujours plus épais, la multiplication des réunions... Tout ceci n'est pas idéal pour assurer l'efficacité d'un projet d'ingénierie. À ce stade de l'histoire d'ITER, nous devons adapter notre culture. »
L'environnement extérieur a changé lui aussi. L'apparition récente de start-up spécialisées dans la fusion, les lourds investissements de fonds privés pour réaliser la fusion en un temps record, qu'ils soient fondés ou non, ont changé le regard de l'opinion publique sur la fusion et sur son projet phare. « Les 'plan décennaux' se multiplient. Nous devons en tenir compte afin de ne pas être perçus comme un programme dépassé. »
Luo Delong qui, durant sa carrière débutée il y a plus de 40 ans, a assumé diverses responsabilités administratives, géré des coopérations internationales et contribué à la construction et à l'exploitation d'installations scientifiques de premier plan (les tokamaks HL-2A, HL-2M et EAST), a le sentiment que les défis auxquels ITER est aujourd'hui confronté relèvent de ses « compétences fondamentales ». Mais il sait aussi par expérience « qu'un chemin difficile lorsqu'on le parcourt tout seul, le sera moins si l'on a des compagnons de route. » Et c'est exactement ce qu'il a l'intention de faire en suscitant une dynamique collective au sein d'ITER Organization.