Économies d'énergie

La chaleur qui venait du froid

Réduire notre consommation d'énergie est l'un des plus grands défis de notre temps. Chacun peut agir individuellement, par exemple en décidant de remplacer son ancienne chaudière par une pompe à chaleur plus efficace ou en substituant à ses ampoules à filament des ampoules LED. À plus grande échelle, l'industrie dispose de nombreux leviers pour optimiser sa consommation d'énergie, réduire ses dépenses et, au final, alléger la pression sur les ressources de la planète. Elle peut, par exemple, modifier ses procédés de production, limiter les pertes d'énergie grâce à une meilleure isolation thermique ou encore installer des dispositifs de récupération d'énergie. Il y a vingt ans, la France a mis en place un mécanisme d'incitation afin d'encourager les initiatives en faveur des économies d'énergie. Dans ce cadre, certaines grandes entreprises comme les fournisseurs d'électricité et les distributeurs de carburant sont tenues d'accompagner financièrement les efforts des clients qui réduisent leur consommation d'énergie en compensant une partie de leurs investissements. Le système de récupération d'énergie installé sur les compresseurs de l'usine cryogénique d'ITER a récemment bénéficié de cette mesure.
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Groupés par « trains » de six, dix-huit compresseurs d'hélium d'une puissance de plusieurs mégawatts alimentent les boîtes froides en hélium gazeux sous une pression d'environ 21 bars. La quantité de chaleur considérable générée par le processus est ainsi récupérée pour maintenir les principales installations de la plateforme ITER à température clémente pendant la saison froide.
Pour assurer l'approvisionnement de la machine en fluides de refroidissement, ITER s'est doté de l'une des plus puissantes usines cryogéniques au monde. La moitié de l'espace disponible à l'intérieur de cette installation de 6 000 m² est occupé par 18 compresseurs d'une puissance unitaire de plusieurs mégawatts, groupés par trains de six, qui alimentent les boîtes froides en hélium gazeux sous une pression de 21 bars. L'hélium étant un gaz monoatomique, le processus de compression est très énergivore et, étant largement exothermique, génère une quantité de chaleur considérable. À pleine puissance, la consommation électrique des compresseurs d'hélium de l'usine cryogénique équivaut à celle d'une ville de 20 000 habitants. Toutefois, seule la moitié de cette énergie est consommée par le processus de compression, le reste étant dissipé sous forme de chaleur par un circuit de refroidissement.

La chaleur est une ressource précieuse qui peut être récupérée, surtout lorsqu'un dispositif produisant de la chaleur fonctionne à proximité de bâtiments et d'installations qui doivent être chauffés pendant la saison froide. « Indépendamment des dispositifs d'incitation mis en place par le gouvernement français, il était évident dès le départ, en fait dès la phase de conception, que nous ne pouvions laisser une telle quantité d'énergie se perdre dans le circuit de refroidissement », explique David Grillot, le directeur adjoint des systèmes industriels d'ITER, qui avait supervisé la conception de l'usine cryogénique en 2012-2013 alors qu'il était ingénieur à Air Liquide.

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Douze échangeurs de chaleur supplémentaires ont été installés dans l'unité d'hélium liquide afin de récupérer la chaleur générée par le processus de compression de l'hélium. Trois d'entre eux sont visibles sur cette photo. Dans le cadre d'un système d'incitation en faveur des économies d'énergie mis en place par le gouvernement français, l'installation a bénéficié d'une importante subvention d'EDF.
Lorsque l'unité d'hélium liquide sera pleinement opérationnelle, l'eau de refroidissement sortira des compresseurs à une température de 100°C et avec un débit d'environ 2500 m³ par heure. À la saison froide, cette eau sera transférée vers la chaufferie centrale, apportant 12 MW de chaleur au système de « chauffage central » d'ITER. Ces 12 MW représentent la quantité d'énergie nécessaire pour maintenir les principales installations de la plateforme à température clémente¹.

La chaufferie centrale est équipé d'un système de secours redondant composé de deux chaudières électriques de 13 MW chacune. L'une d'entre elles démarrera dès que l'apport de chaleur des compresseurs chutera au-dessous de 12 MW, par exemple pendant les phases de maintenance. La contribution des chaudières, et donc leur consommation électrique, sera donc minime pendant le fonctionnement de l'unité d'hélium liquide.

« En tant qu'acteur majeur du dispositif d'incitation français, EDF a soutenu notre projet, qui entrait dans la catégorie 'récupération de chaleur dans les systèmes industriels', indique David Grillot. Cependant, EDF n'avait jamais été confronté à un dossier aussi colossal ». La contribution d'ITER à la réduction des dépenses d'électricité a été évaluée à 5,5 millions d'euros et le chèque correspondant est arrivé à la fin de l'année dernière. « Il s'agit d'une somme impressionnante, mais qui équivaut plus ou moins à ce que nous avons dépensé pour installer le système ». L'investissement est donc aujourd'hui couvert et des économies considérables sont attendues : les bâtiments de l'installation scientifique ITER seront chauffés avec un coût énergétique très faible et sans peser sur les ressources de la planète.

¹Les bureaux et les bâtiments secondaires disposent de leur propre système de chauffage, généralement sous forme de pompes à chaleur.