Sûreté nucléaire

Qu'est-ce qu'un « point d'arrêt » ?

28 fév 2022 - Gilles Perrier, Head of the Safety and Quality Department
Dans un courrier adressé au directeur général d'ITER Organization le 25 janvier 2022, l'Autorité de sûreté nucléaire française (ASN) a indiqué que le « point d'arrêt » lié à l'assemblage du tokamak ne pourrait pas être levé le 1er février 2022 comme prévu initialement et qu'un complément d'information demeurait nécessaire. Les « points d'arrêt » s'inscrivent dans la procédure qui garantit la sûreté de toute installation nucléaire tout au long de la phase de construction. Explications.
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Pour garantir la sûreté d'ITER, comme de toute installation nucléaire, l'Autorité de sûreté nucléaire française (ASN) a défini plusieurs « points d'arrêt » dans le cadre de la procédure normale.
En 2012, l'ASN a validé le dossier de « demande de création » de l'installation nucléaire ITER, et le décret autorisant la mise en chantier de l'installation a été signé par le gouvernement français. Toutefois, comme pour toute installation nucléaire, ITER est tenu de démontrer tout au long de la phase de construction que, dans leur réalité matérielle, les bâtiments, les structures de génie civil, les systèmes et les éléments ayant une incidence sur la sûreté demeurent conformes à la conception approuvée par l'ASN.

Dans le cadre de cette procédure visant à garantir la sûreté de l'installation, l'ASN a défini plusieurs « points d'arrêt ». Pour que ces différents points d'arrêt puissent être levés, ITER doit démontrer la sûreté des éléments concernés et recevoir l'autorisation de l'ASN.

Le point d'arrêt aujourd'hui en cours d'examen a été défini par l'ASN au mois de novembre 2013. Il stipule qu'ITER n'est pas autorisé à lancer les opérations de soudage des deux premiers secteurs de la chambre à vide dans la fosse du tokamak tant que certains aspects de sûreté relatifs au radier B2 (une dalle de béton armé de 120 mètres de longueur, 80 mètres de largeur et plus de 1,5 mètre d'épaisseur qui supporte le complexe tokamak) n'ont pas été validés. Le soudage de deux secteurs de chambre à vide est en effet considéré comme une opération difficilement réversible.

Dans un premier temps, ITER doit démontrer la sûreté du radier B2 tel qu'il a été réalisé. D'autre part, les cartographies radiologiques qui permettent de calculer l'efficacité des protections biologiques qui limitent l'exposition des personnes aux rayonnements ionisants issus des réactions de fusion au sein de la machine, doivent démontrer que les niveaux de rayonnement ne présenteront pas de danger pour les personnes, et ne nécessiteront pas de structures de protection supplémentaire.

Les discussions techniques et les demandes d'information font partie intégrante de la procédure, a fortiori pour une installation d'un type jamais réalisé à ce jour, et dont le contrôle de la sûreté constitue également une première pour l'ASN. Dans son courrier du mois de janvier, l'ASN énumère un certain nombre de thématiques devant être abordées afin de permettre la levée de ce point d'arrêt. Elle demande une modélisation plus précise du radier B2 de manière à confirmer que les masses qu'il devra soutenir ne présenteront aucun risque, même dans des conditions extrêmes. Par ailleurs, un complément d'information concernant les cartographies radiologiques est nécessaire pour démontrer que les exigences de radioprotection seront satisfaites. L'ASN a également demandé des analyses supplémentaires pour valider la procédure de soudage des secteurs de la chambre à vide. La métrologie a en effet mis en évidence un certain nombres de non-conformités dimensionnelles à l'interface entre les deux secteurs de la chambre à vide déjà réceptionnés, ce qui implique une révision des procédures de soudage qui seront mises en œuvre.

À ce jour, les demandes de l'ASN n'ont pas eu d'incidence sur le planning de l'assemblage de la machine. Comme le savent les lecteurs de Newsline, le premier sous-assemblage complet, composé d'un secteur de chambre à vide, d'un bouclier thermique et de deux bobines de champ toroïdal, est aujourd'hui finalisé et sera transféré dans le puits du tokamak ces prochaines semaines. La réalisation du deuxième sous-assemblage est en cours mais plusieurs mois seront encore nécessaires avant qu'il puisse être positionné dans le puits d'assemblage et préparé aux opérations de soudage.

ITER accorde une grande attention aux prescriptions de l'ASN et observe de manière particulièrement rigoureuse la réglementation de sûreté nucléaire. Ses experts sont mobilisés pour fournir, au deuxième trimestre 2022, les informations et analyses complémentaires demandées par l'ASN. Pour le directeur général d'ITER, Bernard Bigot, cette échéance permettra à l'ASN de disposer du temps nécessaire pour analyser ces informations complémentaires et lever le point d'arrêt sans pour autant retarder le planning d'assemblage du Tokamak.