Là où aucune machine n'est jamais allée
Entreprise dès les lendemains de la Deuxième guerre mondiale, la recherche sur la fusion de l'hydrogène a connu de grands moments d'optimisme et de nombreux épisodes de déconvenue. L'objectif que l'on a cru atteindre s'est souvent dérobé mais la détermination des chercheurs n'a jamais vacillé. Au fil des six décennies écoulées, trois générations de physiciens et d'ingénieurs ont été portées par cette ambition prométhéenne : reproduire les réactions nucléaires à l'œuvre au cœur du Soleil et des étoiles et y puiser une source d'énergie virtuellement intarissable.
Dans ce paysage renouvelé, foisonnant, dynamique, la place d'ITER est unique. Le Tokamak ITER est la seule machine au monde dont la taille et les équipements vont permette « d'explorer des territoires qui ne l'ont jamais été jusqu'ici », comme le dit Tim Luce, le responsable scientifique d'ITER. Son collègue Alberto Loarte, lui aussi physicien de renom, explique : « Ce qui nous allons faire avec ITER, et qui n'a jamais été réalisé nulle part, c'est démontrer que la température d'un plasma peut être 'auto-entretenue' par les réactions de fusion. » Deux machines, le TFTR américain aujourd'hui démantelé et le JET européen, toujours opérationnel au Royaume-Uni, ont démontré dès les années 1990 qu'il était possible de produire de l'énergie à partir des réactions de fusion. Cependant, pour atteindre les conditions de température auxquelles les réactions de fusion se produisent, il avait fallu dans les deux cas injecter dans le plasma plus d'énergie que celui-ci n'en avait restitué.
La machine ITER a été conçue pour amplifier d'un facteur 10 l'énergie que les systèmes de chauffage externe apporteront au plasma : 50 MW en « entrée » ; 500 MW en « sortie ».
Alberto Loarte ajoute : « Nous sommes confiants. Nous allons générer des réactions de fusion qui produiront des centaines de mégawatts de puissance. Mais nous ne savons pas exactement comment le plasma auto-entretenu se comportera parce que cet état de la matière n'a jamais été observé jusqu'ici. »
C'est là tout l'enjeu d'ITER et l'objectif que se sont assignés les 35 pays qui participent au programme : recréer un milieu qui n'existe qu'au cœur des étoiles, l'explorer et le comprendre, et ouvrir ainsi la voie à l'exploitation d'une source d'énergie nouvelle « pour le bénéfice de l'ensemble de l'humanité »¹.
¹Selon les termes mêmes de la déclaration commune Reagan-Gorbatchev, à l'issue du Sommet de Genève du mois de novembre 1985 (acte de naissance du programme de recherche international ITER).