Le NSTX-U revient sur le devant de la scène
À la suite de ces découvertes, la recherche sur la fusion de la fin des années1980 et des années 1990 s'est focalisée sur la conception de tokamaks permettant de maîtriser cette turbulence. Ces recherches ont donné naissance au concept de tokamak sphérique, qui présente certains avantages structurels en termes de champ magnétique, qui peuvent conduire à améliorer la stabilité du plasma et le confinement de l'énergie à l'échelle du réacteur. Plus compacts que les tokamaks classiques, ces dispositifs présentent un rapport de forme¹ réduit, si bien que la forme du plasma est plus proche de celle d'une pomme évidée que d'un anneau. Par ailleurs, cette conception augmente le paramètre bêta du plasma. En d'autres termes, l'utilisation plus efficace des champs magnétiques accroît la pression du plasma et améliore ainsi sa stabilité globale. D'autres facteurs, notamment certains changements subtils des champs magnétiques qui éliminent naturellement la turbulence du plasma, contribuent à améliorer la capacité de confinement de l'énergie.
Cette première campagne du NSTX a été interrompue en 2010 afin d'améliorer le dispositif. Le NSTX-U a été conçu pour étudier les plasmas dans des conditions proches de celles attendues dans les futurs tokamaks sphériques et pour déterminer si l'amélioration de la stabilité et du confinement serait confirmée dans de telles conditions. Au nombre des améliorations figurait un nouvel aimant central, qui a permis de doubler l'intensité du champ magnétique toroïdal (de 0,5 à 1,0 tesla), de doubler l'intensité du courant plasma (de 1 à 2 méga-ampères) et de multiplier par cinq la durée des décharges. Un deuxième injecteur de particules neutres a doublé la puissance de chauffage et la charge thermique supportée par le divertor afin de permettre des essais importants destinés à évaluer la continuité du courant dans le plasma.
Au terme de trois années de construction, le NSTX-U est entré en service en 2016, mais un incident sur l'une des petites bobines de champ magnétique modelant le plasma est survenu après dix semaines d'activité. Pour assurer un fonctionnement fiable de l'ensemble des bobines de champ magnétique et des autres éléments critiques du dispositif, le programme de remise en état du NSTX-U s'efforce depuis lors d'améliorer l'installation. Nommé directeur du PPPL en 2018, Steven Cowley sait à quel point il est urgent de remettre le NSTX-U en service. « Nous avons besoin des données de cette machine », dit-il. La remise en état progresse pas à pas : les essais des nouvelles bobines sont concluants et les opérations devaient reprendre à l'automne 2025. L'équipe du PPPL n'est pas restée inactive pendant cette période. « Nos simulations ont fait un véritable bond en avant ces cinq à dix dernières années. Notre équipe utilise des techniques de « gyrocinétique » tout à fait remarquables pour simuler la turbulence de manière réaliste, explique Steven Cowley. Ces simulations, qui s'appuient sur les données de la première campagne NSTX, indiquent qu'un tokamak sphérique de la taille d'un réacteur présentera une turbulence réduite, et donc un confinement amélioré.
Les données expérimentales du NSTX-U pourraient également avoir des implications commerciales considérables. « En pratique, explique Steven Cowley, la fusion ne se résume pas aux questions de turbulence et de confinement. » La petite taille des tokamaks sphériques pourrait réduire le niveau de risque des investissements dans les premiers réacteurs car le coût pondéré du capital serait moins élevé. Le caractère compact de ce dispositif constitue également un avantage à long terme. « Ceux qui développent des nouvelles technologies s'efforcent d'optimiser les différentes étapes du processus. Un réacteur de taille plus modeste permet de réaliser un plus grand nombre de machines et ainsi de réduire les coûts de construction grâce aux connaissances acquises au fil des projets. C'est déjà le cas dans le secteur automobile : les constructeurs qui fabriquent des milliers de véhicules développent des procédés pour réduire leurs coûts. En revanche, l'ingénierie se révèle moins utile pour les petites séries. » Bien évidemment, une petite taille implique des compromis. Un rapport de forme réduit, s'il améliore le confinement, augmente par ailleurs le flux de neutrons supporté par les matériaux environnants. En-deçà d'une certaine taille critique, le dispositif de fusion devient trop petit pour protéger efficacement les aimants supraconducteurs, comme l'admet aisément Steven Cowley. « Le tokamak sphérique se heurte à cette limite. La protection des supraconducteurs, en particulier au centre du dispositif, reste un défi. » Au final, la confirmation de ces avantages potentiels dépendra des résultats de la campagne du NSTX-U.
Les données produites par le NSTX-U seront essentielles pour déterminer le rapport de forme idéal des futurs réacteurs commerciaux. Steven Cowley ne prétend pas connaître précisément cette valeur. Mais le NSTX-U contribuera au processus itératif d'optimisation de la conception des futures centrales de fusion. « Croire que l'on peut concevoir un réacteur de fusion qui restera inchangé pendant 30 millions d'années est une absurdité, s'exclame-t-il. Nous apprendrons en chemin. »
¹Le rapport de forme d'un tokamak est obtenu en divisant la valeur du plus grand rayon (distance entre le centre du tokamak et le centre du plasma) par celle du plus petit rayon