Atelier ITER-secteur privé

«Nous irons beaucoup plus vite ensemble»

En 2024, ITER Organization avait ouvert ses portes aux entreprises du secteur privé de la fusion pour la première fois avec la certitude que la masse d’expérience acquise par le programme ITER au fil des décennies pourrait être extrêmement précieuse pour ces nouvelles initiatives, et que chacun sortirait gagnant d’une commercialisation plus rapide de l’énergie de fusion. Un an plus tard, les 22 et 23 avril 2025, le deuxième atelier ITER-secteur privé étaient organisé autour de trois grands axes : comment l’innovation s’adresse aux grands défis de la fusion, comment l’industrie spécialisée qui s’est établie autour des projets publics de fusion pourrait éviter aux initiatives privées de « réinventer la roue », et quels sont les nouveaux dispositifs de partage des connaissances d’ITER.

« Nous partageons de nombreux défis », a souligné le directeur général d’ITER au début de l’atelier. Lors des débats qui se sont succédé pendant deux jours, les intervenants des secteurs public et privé ont présenté les travaux de R&D qu’ils mènent actuellement pour résoudre les plus grands problèmes scientifiques et technologiques qui restent à solutionner.

Au vu du nombre de participants déjà venus l’année précédente et des conversations animées qui se sont tenues pendant les pauses, il était clair que les acteurs du public et du privé avaient dépassé le stade du premier contact et que les liens qu’ils avaient tissés s’étaient développés et approfondis depuis un an.

Laban Coblentz, directeur de la communication d’ITER et organisateur de la manifestation, s’est senti « énergisé » par les échanges auxquels il a assisté en dépit des différences de langue et de vision. « Ce regroupement des secteurs public et privé dans un même lieu s’est révélé extrêmement fructueux. Malgré nos nombreuses divergences, nous irons beaucoup plus vite ensemble. »

« Nous souhaitons aider le secteur privé de toutes les manières possibles. Nous en avons discuté avec le Conseil ITER et c’est une tâche essentielle pour nous, a dit le directeur général d’ITER Pietro Barabaschi lors de son discours d’accueil devant les 350 participants qui ont pris part à l’évènement de deux jours – représentants de start-up, fournisseurs industriels, chercheurs, sympathisants, investisseurs et experts d’ITER et des agences domestiques. Je vous remercie d’avoir répondu à notre invitation, votre présence parmi nous signifie que notre ambition a su éveiller votre intérêt. »

Le deuxième atelier ITER-secteur privé de la fusion s’est conclu le 23 avril, après deux journées de conférences et d’échanges au siège d’ITER. Il a réuni plus de 300 participants, parmi lesquels des représentants de start-up, des fournisseurs, des chercheurs, des sympathisants et des investisseurs. Un grand nombre d’entre eux ont ensuite assisté à l’ITER Business Forum qui s’est tenu à Marseille du 23 au 25 avril.

En réponse aux suggestions formulées lors du premier atelier, en 2024, ITER Organization a mis en place plusieurs dispositifs de partage des connaissances dans le cadre du programme PSFE (Private Sector Fusion Engagement). Le centre d’assistance du PSFE (psfe@iter.org) a déjà reçu plusieurs centaines de demandes concernant, entre autres, des documents spécifiques d’ITER et des visites techniques, et un premier acteur privé—l’entreprise californienne TAE Technologies—a signé avec ITER Organization un accord de « coopération et d’échange dans les domaines techniques qui présentent un intérêt commun. »

D’autres dispositifs sont à l’étude. Ainsi, l’élaboration du Compendium d’ITER, une ressource qui proposera des informations techniques, des retours d’expérience et l’évolution de la machine ITER, progresse et la publication du premier volume est prévue pour la fin de l’année. La version Open Source de la suite de modélisation et d’analyse intégrée IMAS, qui regroupe des outils avancés pour l’organisation et la manipulation des données sur la fusion, sera disponible très prochainement (voir l’article correspondant ici). Et les accords permettant au secteur privé de participer à l’ITPA (International Tokamak Physics Activity) et aux groupes thématiques correspondants sont en place (voir l’article en lien ci-dessus).

« ITER travaille activement à transférer les connaissances, sans se limiter aux tokamaks, explique Laban Coblentz. Les différentes approches de la fusion présentent de nombreux points de convergence. »

Au moins 150 participants du deuxième atelier « ITER/secteur privé » en avril ont choisi de visiter les installations ITER. Au cours de cette visite, des dizaines de guides ont partagé leur expertise spécialisée (cryogénie, alimentation électrique, chauffage) et ont décrit les activités d'assemblage de la machine qui sont en cours.

Sergei Putvinski de TAE Technologies acquiesce. Alors que la machine de fusion de TAE est un dispositif linéaire compact qui utilise la technologie de champ inversé FRC (field-reversed configuration), il a cité pendant l’atelier au moins cinq domaines scientifiques et technologiques d’ITER qui présentent un intérêt particulier pour les travaux de son entreprise et qui font l’objet de discussions techniques dans le cadre de l’accord signé par TAE et ITER : les diagnostics, les éléments face au plasma, le contrôle-commande, le chauffage par injection de neutres et l’optimisation des tirs de plasma. 

« Nous partageons de nombreux défis », a souligné le directeur général d’ITER au début de l’atelier. Lors des débats qui se sont succédé pendant deux jours, les intervenants des secteurs public et privé ont présenté aux participants les travaux de R&D qu’ils mènent actuellement pour résoudre les plus grands problèmes scientifiques et technologiques qui restent à solutionner, ainsi que des technologies innovantes telles que certaines applications d’intelligence artificielle qui pourraient contribuer à accélérer l’ensemble du secteur de la fusion. 

Les participants se sont aussi montrés très intéressés par le savoir-faire et l’expérience accumulé par les fournisseurs industriels d’ITER.

« ITER a déjà par le passé fortement valorisé la chaîne d’approvisionnement de la fusion et nous continuons à le faire, a indiqué le directeur général Pietro Barabaschi. Nous savons qu’il est intéressant d’établir des ponts entre ces ressources industrielles et les start-up du secteur privé, et ceci répond directement à une demande qu’ils ont formulé. »

Les échanges commençaient dès l’enregistrement du matin et se poursuivaient tout au long de la journée, lors des pauses café, des ateliers et des visites du site.

Erik Fernandez, l’un des représentants de l’association espagnole Ineustar qui fait le lien entre les mondes de l’industrie et de la science, a affirmé qu’il ne pouvait imaginer qu’une entreprise travaillant actuellement pour ITER ne puisse pas travailler pour le secteur privé de la fusion.

Jack Cohen, le responsable de l’intégration des fournisseurs/systèmes tokamak au sein de la start-up nord-américaine Commonwealth Fusion Systems, a souligné l’importance des investissements d’ITER dans les technologies industrielles au cours des dernières décennies. « Mes fournisseurs connaissent la fusion et ils connaissent ITER, ce qui me facilite considérablement la vie. Une grande partie de notre investissement va à des fournisseurs d’ITER. La fusion privée n’existerait pas sans certaines des innovations dont nous a fait bénéficier la recherche publique. »

Dans ce contexte, l’organisation de l’atelier ITER-secteur privé deux jours à peine avant le début de l’ITER Business Forum (IBF/25) de Marseille n’était pas une coïncidence. Un grand nombre de participants se sont rendus directement au forum dès la clôture de l’atelier. C’était la première fois que le secteur privé était invité à participer à l’IBF et c’était pour les start-up une occasion unique de faire des rencontres productives. Les partenaires industriels d’ITER espèrent eux aussi que les contrats avec le secteur privé contribueront à maintenir leurs capacités de production dans le domaine de la fusion entre la mobilisation pour ITER et les besoins des grands dispositifs de fusion qui lui succèderont.

Dans son discours de clôture de l’atelier ITER-secteur privé, Laban Coblentz a invité les entreprises privées à rejoindre ITER pour deux manifestations de portée mondiale : l’Exposition universelle qui se tiendra au Japon jusqu’au mois d’octobre et la conférence des Nations unies sur le changement climatique prévue au Brésil au mois de novembre. « Le stand d’ITER est à votre disposition pour faire connaître vos projets et travaux lors de ces manifestations, a-t-il dit. Faisons briller la fusion au niveau mondial ».