Mise en service des cryopompes

Que le froid soit

Un jour ou l’autre, les ingénieurs concepteurs finissent par se muer en opérateurs de terrain. Ce jour est arrivé le 1er août dernier pour Alessandra Iannetti, chargée de gérer l’installation d’essai des cryopompes, pour Robert Pearce, qui contribue à la conception et à l’ingénierie des cryopompes depuis plus de trois décennies, ainsi que pour l’équipe cryopompes. Après des mois d’essai et d’étalonnage la cryopompe de préproduction, insérée dans la chambre à vide de l’installation, a été refroidie à ~5 K (environ moins 268°C, la température du vide intergalactique), des gaz ont été injectés pour simuler un plasma en exploitation et le processus de pompage a démarré.

Après la phase d’ingénierie, place à l’exploitation ! Au mois d’août, les spécialistes du vide et des systèmes cryogéniques de l’équipe cryopompes sont parvenus à refroidir la cryopompe de préproduction (un prototype également utilisable dans la machine) à ~5 K et ont lancé le processus de pompage après avoir injecté des gaz. Au moins quatre des huit cryopompes de production seront testées sur le même banc d’essai ces prochaines années.

Après avoir raccordé la cryopompe aux lignes cryogéniques, l’équipe a expérimenté le pompage en utilisant de l’hélium (le « déchet » de la fusion) et du néon, dont la courbe de pompage est similaire à celle du deutérium et du tritium, les combustibles de fusion. Il s’agissait de la dernière étape d’une procédure de mise en service qui avait débuté en janvier. « Les résultats ont dépassé nos attentes, s’exclame Alessandra Iannetti. Les équipes du vide et des systèmes cryogéniques ont travaillé en parfaite coordination, ce qui était essentiel pour cette réussite historique. »

Les cryopompes condensent les molécules de gaz sur des surfaces très froides, ce qui permet d’obtenir des niveaux de vide impossibles à atteindre avec les pompes mécaniques classiques. Leur action repose sur un principe de physique simple : la « sorption », en vertu duquel une molécule ou un atome qui entre en contact avec une surface poreuse extrêmement froide ralentit jusqu’à quasiment s’immobiliser. La mise en œuvre de ce principe nécessite des technologies extrêmement pointues, mais aussi certains ingrédients naturels plus inattendus : les panneaux cryogéniques des pompes sont revêtus de charbon de noix de coco, dont la structure poreuse capte l’hélium plus efficacement que les matériaux de synthèse à très basse température.

Les six cryopompes du tore d’ITER doivent assurer une double mission : parfaire le haut degré de vide requis dans la chambre à vide avant la mise en route mais aussi évacuer les cendres d’hélium, le combustible non brûlé et l’intégralité des gaz de combustion pendant les tirs de plasma. Deux autres cryopompes seront installées sur le cryostat afin de produire le vide qui isolera thermiquement le système d’aimants de son environnement. Fournies par l’Europe, les huit cryopompes ont aujourd’hui été livrées.

« Nous devons maintenant nous assurer que les cryopompes de production présentent le même comportement que la cryopompe de préproduction », explique Alessandra Iannetti. L’usine cryogénique desservira aussi l’installation d’essai cryogénique des aimants, qui est en cours de construction, c’est pourquoi les créneaux d’essai des cryopompes seront limités à deux par an ces prochaines années, à compter de février 2026. Ceci devrait être suffisant pour tester au moins quatre cryopompes avant leur installation dans la machine.

« Nous avons tiré de nombreux et précieux enseignements des résultats techniques obtenus jusqu’à présent, ainsi que des opérations de gestion et de coordination opérationnelle, ce qui nous permet d’aborder avec confiance les prochaines phases du programme ITER », conclut-elle.